L’identité bretonne du muscadet a été oubliée

Ouest France
lundi 17 août 2015

Existe-t-il un vin breton ? Voilà de quoi diviser les professionnels du secteur. Un petit livre polémique, apparu cet été dans les librairies du Pays nantais, tente de répondre à cette question.

Entretien avec Alan-Erwan Coraud, 57 ans, auteur de « Sauvons le muscadet d’une mort programmée », ancien maire de La Remaudière, de 2008 à 2014, vigneron et dirigeant de l’agence de communication marketing Koro. Il est l’un des fondateurs de l’office de tourisme du vignoble nantais.
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Comment est né ce livre ?

Cet ouvrage est l’aboutissement d’un travail de plusieurs années. Pour le mener à bien, j’ai dû reprendre mes notes, vieilles de vingt ans, et sortir des articles de presse que j’avais soigneusement archivés. Étant attaché à mes racines bretonnes, j’ai voulu démontrer, à travers ce livre, en quoi l’appellation muscadet était mise à mal depuis plus de vingt ans.

Par la même occasion, je veux proposer une stratégie marketing de reconquête de ce vin caractéristique du vignoble nantais. C’est un diagnostic, en quelque sorte.

Pourquoi la mort du muscadet est-elle programmée ?

Pour deux raisons. Depuis 1993, deux erreurs majeures ont été commises. Premièrement, l’identité océanique, maritime et armoricaine du muscadet a été abandonnée au profit d’un rapprochement avec le Val de Loire. L’organisation interprofessionnelle InterLoire, qui représente ce produit nantais, entre autres, fourvoie l’identité bretonne du muscadet.

Certains élus en sont responsables. Par conformisme, ils ont alimenté le label Val de Loire via la communication régionale Pays de la Loire.

Ensuite, en termes de communication et de marketing, les négociants et les viticoles ont opté pour un modèle contre-productif. Avec de gros volumes en stock, ils ont axé la communication sur l’entrée de gamme et proposé un vin bon marché. Le muscadet comme vin de guinguette, par exemple. La quantité a donc primé sur la qualité.

Enfin, les professionnels du secteur ont menti aux vignerons, en faisant croire que la Vallée de la Loire avait une notoriété plus grande que la Bretagne. Résultat : c’est une mise à mort. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

C’est-à-dire ?

Dans les années quatre-vingt-dix, on comptait 1 200 producteurs, contre 450 aujourd’hui. Les stocks, dans les caves, sont de 150 000 hl, alors que les surfaces ont baissé de 3 000 ha. De plus, le prix du muscadet à l’hectolitre baisse d’année en année, en trouvant difficilement des preneurs.

Quelle est donc votre stratégie de reconquête ?

Le vignoble nantais a des racines bretonnes indéniables. Les ducs de Bretagne venaient s’approvisionner ici même. Il faut donc communiquer sur l’identité bretonne du muscadet. Le label Celtic wine of Brittany (vin celtique de Bretagne) peut ouvrir un marché très intéressant, notamment à l’export. J’ai d’ailleurs recensé 140 millions de Celtes à travers le monde.

Regardez ce qu’il se passe lors du Festival interceltique de Lorient, plus de 850 000 participants n’ont pas accès au muscadet du vignoble nantais. C’est, actuellement, un manque à gagner considérable.

Pour ce faire, il est indispensable de revenir à un conseil interprofessionnel nantais, afin de gagner en autonomie, et de valoriser le haut de gamme. Cela, au travers des crus communaux, pour tirer le produit vers le haut.

N’est-ce pas une stratégie marketing comme une autre ?

Si les choix faits, il y a vingt ans, avaient porté leurs fruits, ça se saurait. Et je n’aurais pas écrit ce livre. Or, ce n’est pas le cas. Certes, le but est d’augmenter les ventes et de trouver un nouveau marché.

Mais c’est, avant tout, une volonté de faire renaître l’identité bretonne et culturelle du muscadet, ainsi que l’histoire du vignoble nantais. À l’image du label « Produit en Bretagne », c’est une stratégie d’ethno-marketing, ou de marketing ethnologique. Valoriser les caractéristiques culturelles d’un produit. Et ça fonctionne très bien.

Sauvons le muscadet d’une mort programmée, d’Alan-Erwan Coraud, aux éditions Yoran Embanner, 112 pages, 8,50 €.

Recueilli par Hugo LANOË